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Etudier, le combat du quotidien pour Cécile

Atteinte de myopathie, Cécile Boughanem a du aller en justice pour poursuivre ses études à Descartes.
Atteinte de myopathie, Cécile Boughanem a du aller en justice pour poursuivre ses études à Descartes.
Malgré la loi qui oblige les universités à accueillir les étudiants handicapés, ces derniers connaissent toujours des difficultés à se faire admettre. Cécile, une jeune adulte myopathe, témoigne après ses nombreux déboires pour continuer ses études de Pharmacie à Paris.

T imide, Cécile Boughanem parle peu, mais son regard fixe montre sa détermination. En fauteuil roulant depuis que s’est déclarée sa myopathie à l’âge de 12 ans, cette jeune majeure va bientôt pouvoir sourire. Elle vient en effet de recevoir l’autorisation de poursuivre ses études de pharmacie à l’université Paris-V-Descartes.


Une victoire sur le handicap, et la fin d’une éprouvante guerre administrative et judiciaire, pour elle et Bruno, son père, premier défenseur de la cause de sa fille. L’université a annoncé à Cécile, le 10 juillet, qu’elle ne pourrait pas l’accueillir à la rentrée, faute d’ascenseur et de salles adaptés aux fauteuils roulants, dans ses locaux de l’avenue de l’Observatoire (Ve).

Une douche froide

La nouvelle est arrivée par l’intermédiaire d’un coup de téléphone, reçu alors que la famille était en vacances dans le sud de la France. Les inscriptions pour l’année universitaire venaient de s’achever, et Cécile était confiante pour son avenir : un an après avoir décroché son bac S, mention très bien. Elle venait de réussir haut la main le concours d’entrée en pharmacie. « Je veux faire de la recherche. Mon rêve, ce serait de travailler à l’université toute ma vie, raconte-t-elle. Descartes est la meilleure de France, dans mon domaine d’étude. »


Prévoyant, son péère avait pris contact avec la faculté pour s’assurer de l’accessibilité du site. Mais voilà, les travaux de création d’un ascenseur, pour accéder aux salles de chimie du site, ont pris du retard. Ils devaient initialement s’achever l’année dernière. De ces problèmes, la famille Boughanem n’en a pas eu vent. « Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai fondu en larmes, confie Cécile. J’avais l’impression qu’on venait de détruire ma vie. »

Une solution judiciare

La doyenne de la faculté de pharmacie propose à l’étudiante d’intégrer un autre campus, moins prestigieux, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). Refus immédiat : une hypothèse impossible pour la famille, domiciliée au Raincy (Seine-Saint-Denis), de l’autre côté de l’Ile-de-France. Bruno Boughanem multiplie alors les démarches ;  auprès de la faculté, du défenseur des droits, et même du tribunal administratif de Paris.


Jusqu’à obtenir gain de cause auprès de ce dernier le 20 Juillet dernier. A l’audience, le président de l’université Descartes, Frédéric Dardel, s’est engagé à « tout mettre en œuvre » pour accueillir Cécile. « La première réponse donnée à la famille était peut-être un peu administrative, concède-t-il. Nous allons voir de façon pratique ce qu’on peut faire, même si cela nous force à une gymnastique un peu compliquée... »

En attendant la fin des travaux, Cécile suivra donc les cours de chimie… en numérique. Comme pour les autres étudiants handicapés qu’elle accueille, la faculté embauchera un preneur de notes pour l’épauler. « On est satisfaits, même si c’est dramatique de se retrouver au tribunal pour plaider la cause d’une brillante élève, réagissait Bruno Boughanem à la sortie du tribunal. Mais Cécile est plus déterminée que jamais à réussir! » La jeune fille, pendant ses vacances, n’a d’ailleurs jamais quitté ses cahiers de sciences.

L’accessibilité, une difficulté inhérente aux anciennes universités

Depuis la loi du 11 février 2005, complétée deux ans plus tard par la charte Université/Handicap, toutes les universités ont obligation de « faciliter l’insertion des étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur », à commencer par l’accessibilité de leurs locaux. Si celle des bâtiments universitaires en construction est intégrée à tout nouveau projet architectural, les plus anciens ont pour obligation de se rendre accessibles dans un délai maximum de dix ans, donc d’ici à 2015. Une étude estime le coût pour la mise en conformité des universités entre 84 M€ et 150 M€ en 2005.


Paris-Descartes avait ainsi engagé des travaux il y a plus d’un an dans cette bâtisse classée du XIXe siècle, « très compliquée à adapter aux normes modernes » selon son président, Frédéric Dardel. Depuis, le chantier a toutefois été stoppé pour non-respect des règles de sécurité et, après révélation, de cas de travail non déclaré. Le tribunal administratif a été saisi du dossier, mais, en attendant, l’accessibilité totale du site ne devrait pas être réalisée avant le début 2014.