Pauvreté Handicap
" Je vis sous le seuil de pauvreté "
Alors que le Secours catholique interpelle la gauche au pouvoir dans un document dénonçant un accroissement de la pauvreté, Vivre FM a recueilli les témoignages de personnes handicapées qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
« Je fais les courses une fois par mois, pour acheter des produits bas de gamme. Des pâtes et de la sauce tomate, pour être sûr d’en avoir jusqu’à la fin du mois, au cas où ». Frédéric décrit ainsi ses achats alimentaires, qu’il qualifie de « survie ». Dans ces conditions, très peu de place est accordée au plaisir. Seuls quelques légumes, en guise de « friandises », si ses revenus le lui permettent. Ce qui n’est pas le cas ce mois-ci, et s'il s’en est procuré, c'est grâce à une voisine qui l’a « dépanné ».
Vivant à Paris avec 770 euros d’allocations, Frédéric se retrouve ric-rac avant le 15 du mois. Il est donc obligé de tout compter. Y compris quand il allume la lumière dans une pièce. « Aucune excentricité d’achat » n’est donc permise. « Ayant pris le pli » depuis plusieurs années, il n’a même plus d’envies. « Elles passent dans ma tête, mais ne s’y arrêtent pas ».
"Privilégié avec 900 euros, par rapport à d'autres"
Daniel, quant à lui, estime être « assez privilégié » par rapport à d’autres. Le montant de 150 euros d’Allocation Adulte Handicapé (AAH) versé en complément à sa retraite de 750 euros lui donne en effet un peu d’air. Mais il est toujours contraint de « faire très attention dans tous ses achats », ainsi que dans l’utilisation de sa voiture, « qu’il prend de moins en moins car l’essence est chère ». Les occasions de se faire plaisir sont également rares : il ne va que rarement au cinéma et ne s’offre un livre que très occasionnellement.
Un sentiment de révolte
Le sentiment de révolte est perceptible chez certaines personnes handicapées. Chez Joseph-Loïc par exemple, dont le budget « alimentation » s’élève à 150 euros, après déduction de son loyer et des charges fixes du type Edf ou téléphone. Dès lors, d’après lui, « si on n’a pas d’amis autour de soi, on est foutu ». Les sollicitations sont donc fréquentes : « ils vous glissent 20 euros, que vous leur rendez quand vous pouvez ».
Gérer son budget constitue même une épreuve permanente, car « on galère à calculer le prix du poulet, des pâtes et des oranges, alors qu’on devrait juste avoir une chose à faire : vivre ». Les retentissements sur la santé sont également dénoncés, car « le besoin de manger des produits sains n’est pas assouvi ».
Les effets peuvent être tout aussi néfastes sur l’estime de soi, car Joseph-Loïc avoue que « socialement, notre dignité est touchée ». Le « système », comme il le nomme, en serait la cause, puisque « le système qui est en train de nous soigner est contrebalancé par un système social en train de nous démonter ».
Des situations qui ne sont pas isolées
Ces témoignages ne sont pas la description de situations isolées, comme en témoigne le rapport annuel du Secours catholique, rendu public aujourd’hui. L'ONG y indique en effet avoir accueilli en 2011 dans ses structures 1.422.000 personnes.
Parmi les bénéficiaires, 94% vivaient en 2011 sous le seuil de pauvreté (60% du niveau de vie médian, soit 964 euros en 2010) et 68% sous le seuil de très grande pauvreté (40% du niveau de vie médian, 644 euros en 2010).
Le phénomène d’ancrage de la pauvreté est également inquiétant, dans la mesure où un tiers des personnes accueillies en 2001 comme en 2011 avaient déjà fréquenté les structures du Secours catholique l'année précédente.
Afin d’enrayer cette spirale, le Secours catholique demande la revalorisation des minima sociaux et une réduction des charges fixes (plafonnement des loyers, bouclier énergétique, réduction des coûts de transport) qui pèsent proportionnellement plus sur les familles modestes que sur les plus riches.
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