ONU

Désinstitutionnaliser au nom de l'inclusion, réactions aux propositions de la rapporteuse de l'Onu

L’experte mandatée par les Nations unies demande au gouvernement français un plan visant à fermer les établissements accueillant des personnes handicapées. Cette proposition inquiète notamment les associations gestionnaires de structures médico-sociales.

La rapporteuse spéciale des Nations unies a effectué sa première visite en France entre le 3 et le 13 octobre. L’experte est venue dresser un état des lieux concernant la situation des personnes handicapées dans notre pays. Cela concerne notamment le suivi de la mise en œuvre de la convention des Nations unies relative aux personnes handicapées, ratifiée par Paris en 2010. Parmi ses recommandations, l’experte prône la fermeture progressive des établissements spécialisés :

« J’exhorte le Gouvernement à adopter un plan d’action concret pour assurer la fermeture progressive de tous les établissements existants et transformer l’offre actuelle de services pour personnes handicapées en solutions d’accompagnement et de logements de proximité. La désinstitutionalisation des enfants handicapés doit constituer une priorité politique et le Gouvernement devrait envisager un moratoire pour suspendre toute nouvelle admission. » La secrétaire d’Etat en charge des Personnes handicapées a répondu à la déclaration de la rapporteure de l’Onu, le 18 octobre. Mais le communiqué des services de Sophie Cluzel se contente de mentionner les points de convergences avec Paris, il reste silencieux concernant la proposition de fermer les établissements.

Un « électrochoc » pour faire avancer le médico-social

En revanche du côté des associations gestionnaires de structures médico-sociales, la proposition de Catalina Devandaz Aguilar suscite l’inquiétude. « Quelqu’un qui travaille pour l’Onu et qui veut faire un travail sur la situation de la France ne peut pas se contenter de rapporter des choses qu’on lui rapporte ou qu’on lui signale » déclare Lionel Deniau, président de Metis Europe et d’AIRE, pour lui la rapporteuse ne fournit pas de chiffre. Pire, il dénonce une vision clivante qui pourrait nuire au travail de collaboration entre les familles, les associations et les pouvoirs publics.

Et si l’experte de l’Onu avait voulu « un électrochoc » pour pousser les pouvoirs publics à avancer sur la transformation de l’offre en matière d’établissements ? C’est ce que déclare Pascale Ribes, vice-présidente de l’Association des paralysés de France, dans l’Invité de la rédaction sur Vivre FM. De manière générale tout le monde prend les propositions de la rapporteuse des Nations unies avec prudence, en attendant son rapport définitif.

Les gestionnaires d'établissements ne sont pas les seuls à exprimer des craintes. Le 20 octobre le Groupe polyhandicap France publie une lettre ouverte à lCatalina Devandaz Aguilar. L'association, qui représente des proches de personnes polyhandicapées ainsi que des professionnels demande à l'experte de ne pas mettre tous les publics sur le même plan, elle rappelle notamment que dans le cas du polyhandicap, les établissements sont les lieux les plus à même d'offrir une prise en charge adaptée :

« Quand on parle d'institutions dans le champ du polyhandicap, Madame, il ne s'agit pas de grand enfermement. Il s'agit de privilégier chez chacun ses aspirations, ses spécificités, ses capacités. Dans le respect de ses besoins et non pas en fonction d'un modèle unique. Pour cela il faut pouvoir conjuguer domicile et institution et développer un accueil modulaire adapté à chacun, selon sa famille, son âge, sa situation de santé. Il faut offrir une palette de solutions, dans laquelle se côtoieront en fonction des besoins spécifiques de chacun : le domicile familial et l'institution, lieu de vie et de socialisation ouvert sur la cité pour les personnes polyhandicapées, en fonction de leurs besoins et de leur évolution. Il est vrai que malgré les avancées, le constat d’un manque réel d’adéquation entre les besoins des personnes polyhandicapées et les structures existantes persiste. Il y a beaucoup de progrès à faire en matière d'offre, de formation des professionnels, de soutien aux aidants. »