Psychiatrie

Des dérives dans les établissements de santé mentale

Un rapport pointe les dérives scandaleuses dans 112 établissements de soins psychiatriques. C’est un travail de huit ans réalisé par Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et présenté le 25 mai 2016 à la presse.

Le constat est sans appel. « L’hôpital psychiatrique n’est pas par définition un lieu de privation de liberté, mais il s’y trouve des patients admis sans leur consentement, dont la liberté d’aller et venir est restreinte » énonce d’emblée la CGLPL. La contrôleure a « pour mission de veiller à ce que les personnes enfermées soient traitées avec humanité et dans le respect de leur dignité ».

Et dans les hôpitaux psychiatriques, « certaines personnes peuvent être soumises à des mesures de contrainte physique (placées en chambre d’isolement ou sous contention)  » non du fait de leur « état clinique », mais en raison de « mesures disciplinaires et de sanction ». Cela peut être d’une « extrême gravité » pour la santé des patients. La contention est l’immobilisation d’une personne considérée comme dangereuse (camisole de force, liens, attaches, brassière, ceinture…). L’isolement est le fait de placer le patient « dans un espace fermé qu’il ne peut ouvrir, qu’il s’agisse de sa propre chambre -afin de les mettre à l’abri des autres patients du service, explique le rapport - ou d’une pièce prévue à cet effet ». Certaines patients peuvent même faire « un séjour systématique à l’isolement au moment de l’admission » pouvant aller de 48 heures jusqu’à quinze jours. Les pratiques coercitives de l’hôpital psychiatrique portent « une atteinte certaines » aux patients. « L’ennui et la vacuité du temps sont parfois très pesants pour les patients [isolés]. » Les patients « traumatisés » et « humiliés » ont le plus souvent un « sentiment d’incompréhension voire de punition » d’avoir été enfermés dans ces chambres d’isolement.

« Sans réelle justification médicale »

Ces chambres sont parfois dépourvus de sonnettes d’alarme ; les patients, attachés, n’ont d’autres choix que d’y attendre le passage d’un infirmier. Les vidéosurveillances, les microphones et caméras thermiques existantes dans ces pièces enfreignent le droit à l’intimité en permettant aux infirmiers d’observer « le patient dans ses gestes les plus intimes ». Le port du pyjama et le retrait des effets personnels sont trop souvent imposés aux personnes hospitalisées et toujours aux personnes isolées, « sans réelle justification médicale », dénonce les auteurs du texte. Quant aux personnes en situation de crise, le texte pointe le fait qu’elles « ne bénéficient pas toujours, lorsqu’elles sont placées à l’isolement ou en contention, d’un examen médical ». Le droit aux visites est parfois interdit aux personnes non stabilisées en chambre d’isolement, « ceci laisse perplexe sur la pertinence du maintien d’une mesure de privation de liberté aussi contraignante pour des patients dont l’état serait stabilisé ». Les détenus sont systématiquement mis en chambre d’isolement, regrette le rapport. Les sorties de courte durée en journée pour la personne isolée (pourtant  recommandées par l’ANAES- l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) ne sont bien souvent pas autorisées.

Des dérives en recrudescence depuis vingt ans

Les raisons de cette coercition en recrudescence depuis vingt ans sont multiples : « réduction des effectifs, changement dans la formation des professionnels, manque de réflexion d’ensemble sur la liberté de circulation des patients, etc. » explique la rapporteuse du texte.

La CGLPL recommande au mieux de tracer ces mesures aliénantes, que ce soit l’isolement ou la contention, sinon de les proscrire « notamment au regard du risque de banalisation ». « L’établissement doit pouvoir apporter la preuve du caractère de dernier recours de la mesure », préconise la CGLPL. L’isolement ou la contention ne peuvent être utilisés que de façon limitée dans le temps, étant donné le temps bref de la crise du patient, et régulièrement « interrompus par des sorties de courtes durées à l’air libre ». Lors de l’isolement, rien ne vaut mieux qu’une « présence régulière et fréquente auprès des patients », indique la CGLPL. In fine, « La décision médicale d’une mesure d’isolement ou de contention ne peut être prise qu’après un examen médical psychiatrique effectif de la personne », recentre le rapport, et non sur le fait du prince.