Discriminations

Education, emploi, logement... Etat des lieux des discriminations liées au handicap

Jacques Toubon sur Vivre FM le 30 septembre 2014
Jacques Toubon sur Vivre FM le 30 septembre 2014
Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a remis son rapport au Président de la République le 3 février 2016. Les enfants et les adultes handicapés font encore l'objet de nombreuses discriminations. Vivre FM décrypte ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire dans six domaines de votre vie quotidienne.

Le Défenseur des droits a publié son rapport annuel la semaine dernière. Dans ce document, le handicap apparaît comme la deuxième cause de discrimination en France, juste derrière l’origine. 21 % des réclamations pour discrimination enregistrées par le Défenseur des droits en 2015 émanaient de personnes handicapées. Les réclamations adressées au Défenseur des droits concernent l’emploi, le service public, les biens et services, l’éducation, la formation ou encore le logement.

En raison des attentats qui ont frappé la France en 2015, les demandes qui ont connu la plus forte évolution concernent la sécurité (29,6%), suivies de celles relatives à l’accès aux services publics (16,8%).

L'emploi

Le domaine de l’emploi demeure l’un des espaces privilégiés de l’expression des discriminations, que ce soit durant la carrière ou à l’embauche. Trois réclamations sur quatre concernaient une discrimination à l’emploi.

L'accès aux biens et aux services

Vient ensuite l’accès aux biens et aux services. Dans le cas des personnes handicapées, l’accessibilité en constitue le meilleur exemple.

En 2015, le Défenseur des droits est notamment intervenu dans le cadre de l’examen, par le Parlement, du projet de loi instituant les agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP) dont l’objet est de reporter, au-delà de 2015, la réalisation des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) et des services de transports. Il met en garde contre toute logique tendant à reporter leur mise en œuvre « et par suite à laisser perdurer les discriminations qui résultent du défaut d’accessibilité ».

En termes d’accessibilité des services, le Défenseur des droits s’est également engagé, depuis plusieurs années, aux côtés des réclamants handicapés et de leurs associations, pour dénoncer la politique discriminatoire menée par certaines compagnies aériennes et qui consiste à refuser systématiquement l’accès à bord aux personnes handicapées non-accompagnées, sans même vérifier leur capacité à voyager seules

Les droits et libertés des usagers des services publics

Il s’agit des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements

publics et des organismes investis d’une mission de service public.

Le rapport met en avant une qualité de services dégradés, des délais de traitement anormalement longs et des règles trop complexes.

La dématérialisation des services publics a été identifiée comme un facteur de fragilité accrue pour les populations vulnérables. En effet, ceux qui n’ont pas accès au numérique, par méconnaissance, par absence d’équipements ou par incapacité à les utiliser, rencontrent les plus grandes difficultés à accomplir leurs démarches. C'est souvent le cas des personnes en situation de handicap.

Le Défenseur des droits recommande l’obligation d’offrir une voie alternative au service numérique et que soit consacré un droit à l’accès au numérique. Il propose également qu’une partie des économies procurées par la dématérialisation des services publics soit redéployée, par le biais d’un fonds dédié, au financement de l’accompagnement au numérique.

Logement

Les personnes handicapées ont souvent plus de difficultés que les autres à accéder au logement et à un logement adapté.

Le Défenseur des droits a été saisi à la suite d’une plainte déposée par une personne handicapée, après le refus que lui a opposé une compagnie d’assurance garantissant les loyers impayés de considérer sa pension d’invalidité comme une ressource l’empêchant ainsi d’accéder au logement qu’elle souhait louer. Le Parquet a suivi l’avis rendu par le Défenseur des droits et a décidé de poursuivre l’assureur pour discrimination à raison du handicap.

Les droits de l’enfant

Au plan des droits de l’enfants, des progrès ont certes été réalisés dans le champ du handicap et des plans de lutte contre l’autisme, mais ils sont encore insuffisants, comme l’a indiqué Jacques Toubon dans son rapport au comité des droits de l’enfant des Nation Unies en Juin 2015. Les enfants les plus vulnérables rencontrent toujours d’importantes difficultés dans l’accès aux droits et des inégalités territoriales subsistent, en particulier dans l’accès à la protection de l’enfance ainsi qu’aux soins et à l’éducation.

Protection de l’enfance

Dans son rapport annuel, le Défenseur des droits accorde une attention particulière à la situation des enfants handicapés. Il montre ainsi que sur les 308 000 enfants qui font l’objet d’une mesure de protection de l’enfance, près de 70 000 seraient en situation de handicap.

Ni quantifiés ni identifiés, les enfants handicapés pris en charge par la protection de l’enfance sont invisibles, oubliés à la fois des politiques d’accompagnement du handicap et de la protection de l’enfance.

Le handicap psychique et les troubles du comportement seraient surreprésentés à l’Aide sociale à l’enfance. Or, ce sont précisément ces situations qui vont mettre le plus en difficulté les équipes des départements.

L’entrée en protection de l’enfance resterait-elle justifiée si les bouleversements introduits par le handicap dans la vie des familles étaient réellement pris en compte et pris en charge par un accompagnement adapté ? Le rapport met en évidence l’absence de dispositifs efficients de diagnostic et d’annonce du handicap de l’enfant aux parents, ainsi que des difficultés importantes de coordination des acteurs de la prévention précoce.

Accès aux soins

Sur le plan de l’accès aux soins, le Défenseur des droits a mis en place une décision-cadre comprenant une quinzaine de recommandations, adressées au ministère de la Santé et aux fédérations hospitalières.

Ce texte préconise entre autres : la mise en œuvre d’une politique dédiée aux enfants, la garantie d’une présence parentale, l’amélioration de l’information des représentants légaux mais aussi des mineurs à travers le développement de documents accessibles.

Droit à l’éducation

Près de la moitié des plaintes reçues par le Défenseur des droits sur des discriminations à l’éducation ou à la formation lui ont été adressées par des personnes en situation de handicap. « S’il est indéniable que la loi de février 2005 a donné une véritable impulsion à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, il n’en reste pas moins que plusieurs milliers d’enfants handicapés se trouvent encore aujourd’hui privés de leur droit fondamental à l’éducation faute de places en établissement ou service médico-social », souligne le rapport d’activité.

Un nouveau critère : la perte d’autonomie

Enfin, un amendement a ajouté un nouveau critère de discrimination à la liste établie par l’article premier de la loi du 27 mai 2008 : la « perte d’autonomie ». Si les avis du Défenseur des droits avaient préconisé une rédaction plus précise de cet article, il n’en reste pas moins que ce nouveau critère permettra de clarifier le cadre juridique de son intervention face aux situations de maltraitance et, notamment, de renforcer sa compétence en matière de maltraitance dans les établissements du secteur privé.