Fin de vie

"La loi sur la fin de vie doit prendre en compte toutes les situations"

Emeric Guillermou, président de l'Union nationale des familles des traumatisés crâniens et cérébro-lésés
Emeric Guillermou, président de l'Union nationale des familles des traumatisés crâniens et cérébro-lésés
Après le débat sur le rapport Leonetti-Claeys, mercredi à l'assemblée, un nouveau texte sur la fin de vie devrait être présenté au printemps. L'Union nationale des familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés (UNAFTC) défend une approche humaniste, laïque, au-delà des passions. Vivre FM a rencontré Emeric Guillermou, le président de l'UNAFTC.

Vivre FM : La loi prévoit de mieux respecter les directives anticipées de chacun, c'est un progrès ?

Emeric Guillermou : On oublie que la volonté du patient est toujours fluctuante dans le temps. Nous savons tous que nous pouvons penser quelque chose un jour et changer d'avis le lendemain. Plusieurs études montrent qu'arrivés en situation de grande dépendance, beaucoup de gens qui pensaient ne pas vouloir vivre cet état décident autrement une fois que cette situation survient et disent alors qu'ils veulent vivre.
L'état d'esprit du texte tel qu'il a été rédigé pour les directives anticipées (les volontés de la personne) facilite le droit à l'interruption de la vie plutôt que le droit à la vie.

VFM : Faut-il accéder à la demande des personnes qui veulent mourir ?

EG : Le choix de chacun doit être respecté. L'UNAFTC n'est pas opposée au fait que certaines personnes désirent mourir. Nous reprochons qu'un protocole définisse ce droit. Le moment de la demande de mourir est subjectif. Cela doit se faire dans la singularité des situations individuelles. Chaque cas est différent. C'est la raison pour laquelle la collégialité est importante. La décision, pour qu'elle soit légitime, doit être prise après une concertation entre la famille, les proches et les médecins. L'avis de la famille doit être réellement pris en compte. Aujourd'hui il n'est que consultatif et la future loi ne propose pas de changement.

VFM : En revanche le texte inscrit  désormais "le droit à une fin de vie digne et apaisée", que pensez-vous de cette formulation ?

EG : La perte de l'autonomie n'est pas une atteinte à la dignité de la personne. La souffrance non plus. Il nous arrive à tous de souffrir. C'est le caractère insupportable de la souffrance qui est une atteinte à la dignité. Le critère n'est pas le regard qu'on peut porter sur l'apparence, la perte d'autonomie ou la souffrance d'autrui, mais la souffrance de la personne elle même. Mais il y a un autre aspect des choses : comment ces personnes-là sont elles accompagnées?  Est-ce qu'on donne les moyens pour les accompagner correctement? Si on ne le fait pas, elles auront des difficultés pour vivre leur état.

VFM : Le rapport affirme que l'obstination déraisonnable concerne désormais les personnes dans un état pauci-relationnel. Qu'en pensez-vous ?

EG : L'état pauci-relationnel désigne des personnes qui ont une faible relation avec leur environnement. Elles ne sont pas dans un état végétatif. Le texte proposé est un retour en arrière.  Le 3 mai 2002, dans une circulaire, l'Etat considérait que les personnes dans un état pauci-relationnel ne devaient pas être considérées comme "en fin de vie" mais, au contraire, devaient être prises en charge dans des structures spécialisées et devaient bénéficier de soins car leur état était stationnaire. D'un trait de plume, la même autorité, l'Etat,  change aujourd'hui d'avis : ces personnes n'ont plus le même droit à la vie qu'en 2002 : les traitements qui les maintiennent en vie seraient considérés comme une "obstination déraisonnable" et pourraient être arrêtés. Nous constatons aujourd'hui que quand ces personnes sont dans un institut non spécialisé, ils sont considérés "dans un état végétatif", mais, dès qu'ils arrivent dans une structure spécialisée, ils sont évalués comme étant dans un état pauci-relationnel. Les professionnels qui ne sont pas assez compétents classent ces personnes dans des catégories qui sont dramatiques pour elles car elles ne seront pas suffisamment prises en charge. Actuellement environ 1500 personnes sont dans un état pauci-relationnel en France.